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chef pâtissier

  • William Lamagnère La Closerie des Lilas (Paris 6)

     

    J’ai fini mon année à Paris en beauté par la Closerie des Lilas. Je croyais l’endroit hors de prix. En fait, non (euh faut juste pas confondre la brasserie du restaurant ;) sinon votre porte-monnaie risque de s'en rappeler).

    J’y suis allée deux fois de suite. Deux jours de suite pour être précise.

     

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    Premier jour.

    Je devais y aller avec mon acolyte parisienne. En vain. Alors j’avais deux possibilités : ne pas y aller ou y aller toute seule. J’ai repensé à une amie cinéphile qui allait au cinéma toute seule depuis l’adolescence. A l’époque, tout le monde trouvait ça glauque. Un jour, elle me dit « Mais si j’attends d’avoir toujours quelqu’un avec moi, je ne verrais pas beaucoup de films ». Je me suis dit qu’elle avait raison. Pourquoi se priver de plaisirs solitaires ?
    Alors me voilà à la Closerie des Lilas. Bar Hemingway, table de Samuel Beckett. L’accueil est sympa. Ici personne ne te saute dessus. Tu t’installes et si tu veux, tu vaques à tes occupations sans que personne ne t’importune. Si tu t’ennuies, il y a toujours les tables collées les unes aux autres, qui font que tu entends les conversations de tes voisins. A ma droite un réalisateur avec une journaliste. Ils parlaient de Truffaut et Jean-Pierre Léaud. Même si je trouvais intéressant les arguments du réalisateur pour défendre cette phase du cinéma, j’étais plutôt d’accord avec la journaliste, à savoir dubitative. Ah je pense « La femme d’à côté », ça au moins, ça avait de la gueule mais je ne dis rien. A ma gauche, une autre journaliste, jeune qui rêve de refaire le « Grand échiquier »  et de convaincre une écrivaine un peu pingre de venir à une manifestation… Plus loin, des touristes, un paléontologue connu, une écrivaillonne brune à forte poitrine qui me dévisage et un alcoolique mondain avec des lunettes noires en pleine soirée d’hiver… Logique ! Voilà le décor planté… et moi, dans tout ça, qui viens découvrir les desserts du chef pâtissier de la maison : William Lamagnère.

     

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    Le serveur plutôt sympathique et drôle m’apporte mon dessert  et ma boisson qu’il juge « délirante ». Après avoir pris connaissance de la carte des desserts avec à gauche les classiques et à droite les saisonniers, j’ai fini par choisir la suggestion du jour « Boule marron ».  Visuellement, il est très beau, respectueux de l’esprit de Noël. Une boule de chocolat posée sur un socle en pain d’épices et surmontée d’un marron sur lequel est posé un morceau de feuille d’or. Pour alléger ce mélange sucré, une crème anglaise accompagne l’ensemble. Surprise quand on casse la boule, elle est généreusement garnie. Renseignement pris, il s’agit d’une mousse de marron et d’un biscuit à la farine de châtaigne.

    Alors pourquoi y retourner le lendemain ? Parce que William Lamagnère m’a invitée à goûter une assiette gourmande à l’heure du thé.

    Mais les plus perspicaces d’entre vous rétorqueront mais pourquoi ? En fait, j’ai repéré le travail de William lors d’un concours sur les éclairs organisé par Christophe Adam (ex Fauchon). J’ai cliqué sur Facebook pour qu’il soit mon ami et lui ai demandé sa fameuse recette Eclair Kumquat meringué qu’il m’a aussitôt envoyé. Pour moi Facebook, jusqu’à présent, c’était du gros n’importe quoi. Mes potes se moquent toujours de mes pseudo-amis… Mais, en fait, un brin cynique comme Gad Elmaleh avec son sketch Facebook, je voulais démontrer que tes amis ne sont pas forcément tes amis…  et puis, il y a eu le concours BocoBio où tout se faisait sur FB et force est de constater que les bloggeurs et chefs pâtissiers sont plutôt branchés nouvelles technologies.

    Et voilà, que William Lamagnère aussi accessible que soucieux de son image me demande mon avis sur la boule marron et me dit de le prévenir si je reviens à la Closerie des Lilas. Alors moi, qui compte mes dernières heures à Paris, je dis que je peux repasser le lendemain… et voilà…

    Bon, je dois avouer que c’est une chose de causer à quelqu’un sur FB, c’en est une autre que de le découvrir en vrai. Mentalement, à l’heure H, je pense toujours au sketch perspicace de Gad Elmaleh « Tu te vois dans la vraie vie interpeller quelqu’un en lui tapant sur l’épaule et lui demander « Tu veux être mon ami ? » ».  Mais c’est trop tard !

    Alors ?

     

    Deuxième jour.

    Le lendemain, je suis revenue. Même endroit, mais pas même table (faut pas trop prendre ses aises non plus)… Toujours des interviews de journaliste et actrice (d’âge mûre mais fort séduisante), des touristes asiatiques et russes francophiles.

     

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    William arrive. Il est plus beau qu’en photo (oui c’est une interview très subjective sinon à quoi bon ? Et surtout, c'est souvent l'inverse). Le col est impeccable sur lequel apparaît son nom légèrement logolisé. Il en impose. On sent une forte personnalité. En même temps, on sent qu’il jauge très vite son interlocuteur et dispose indéniablement d’une capacité d’adaptation face à ce dernier. Bref il en a vu d’autres.

    Il me dit qu’il revient avec une assiette, ce qu’il fait… Elle est joliment dressée, harmonieuse au niveau des couleurs (je suis très sensible à l’harmonie des couleurs). Je croise les doigts pour tout aimer… car il va papoter avec moi et je n’aimerais pas qu’il voie ma trombine (je suis très expressive) ou mes restes, si jamais je n’aime pas un truc.

     

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     (Je m'excuse d'avance pour la photo... prise avec mon Mac en l'absence d'appareil photo)

      

     

    J’ai commencé par la mini-tatin qui était encore tiède. Très honorable car fondante.

    Ensuite, le macaron banane-chocolat. Je l’avais repéré sur la carte la veille. J'adore la banane cependant trop peu mise en valeur en pâtisserie. Visuellement, le macaron est beau. Gustativement, il est à la hauteur de mes attentes. La petite touche régressive avec la présence de Nutella au centre est très bien vue.

    Je crois que j’ai ensuite enchaîné avec la crème brûlée à l’orange. Bon là, je ne riais pas intérieurement car moi les desserts à l’orange, ce n’est pas trop mon fort. Je crois que je redoute toujours l’amertume que l’on peut retrouver dans les écorces d’oranges. Mais là, la présence de l’orange est douce et allège judicieusement cette crème brûlée.

    La tarte gianduja. Rien qu’à la voir, je suis conquise. La texture me semble parfaite. Après mes pupilles, mes papilles sont ravies. J’adore cette tarte. J’aimerais bien la recette :)

    Ah le Baba au Rhum. C’est un truc qui me tente depuis qu’une amie me dit que sa grand-mère fait les babas au rhum comme personne et en même temps, c’est le dessert que je redoute car pas assez imbibé et alcoolisé, il n’a aucun intérêt et trop imbibé et alcoolisé, il n’est pas bon. Là, la présence du rhum est subtile, le baba parfaitement imbibé (ni trop, ni peu) et la crème chantilly trouve parfaitement sa place.

    J’ai terminé par ce par quoi j’aurais dû commencer un moelleux cœur coulant au nutella car il était tout chaud quand l’assiette est arrivée. Sauf que je ne savais pas qu’il venait de me le faire et surtout, commencer par le chocolat me semblait risqué car le chocolat, c’est un peu ma hantise… Je peux facilement caler si le mélange ne me plaît pas.

    Moralité : j’ai tout mangé sans difficulté. Et je dois avouer à William que la veille, si j’ai apprécié sa boule marron, j’ai finalement préféré ce panel de desserts. C’est un peu comme un artiste qui présente ses œuvres. La palette est plus large donc plus facile à juger. Même si on ne peut pas comparer un ingrédient à un autre, on peut toujours évaluer les mélanges effectués, leur réussite ou non, la mesure ou la pointe de folie du pâtissier …

    Le macaron chocolat-banane est dans la lignée de son expérience professionnelle. Cette aventure lui permet de maîtriser ce dessert avec aisance et d’innover en imposant du coulant (Nutella). Il y a une part de produits régressifs dans ses ingrédients de prédilection. Mais le réduire à ça serait une sacrée erreur. La présence de l’orange démontre par exemple sa facilité à s’accaparer les agrumes. J’ai l’impression que William les adore comme le démontre son éclair au Kumquat. Ils compensent la rondeur et la gourmandise propres au chocolat, en installant une dose de fraîcheur et de légèreté voire un peps que le chocolat seul ne peut pas apporter.

    Parce qu’après avoir testé cette assiette, j’étais en pleine forme…

     

     

    Bio express :

    William vient de Rennes. Son père tenait la Chope et sa mère l’Auberge Saint Sauveur. Il a fait ses études au Lycée professionnel Guilloux. Le choix de la pâtisserie est venu assez tard : 18-19 ans dixit l’intéressé (!). Il a notamment fait ses armes chez Ladurée, Le Cordon bleu et un passage éclair chez Fauchon. Il est actuellement chef pâtissier à la Closerie des Lilas depuis 5 ans.

     

    Actus :

    Récemment, il a remporté ex-aequo le concours Eclairs organisé par Christophe Adam avec son éclair Kumquat meringué. Bientôt, il fera partie du jury du meilleur dessert à l’assiette.

     

    Portrait de William Lamagnère par ma petite personne :

     

    Durant toutes ces années, autant dire qu’il en a croisé des pâtissiers.

    Parmi les pâtissiers qu’il admire, il y a incontestablement Conticini. Mais William a le compliment parcimonieux… Il ne va pas s’épancher. Ceux qu’ils admirent sont visiblement les gens avec qui il a pu bien travailler. On sent qu’il a le sens de l’amitié, de l’effort et visiblement le goût du travail bien fait.

    A l’image du corps de métiers auquel j’appartiens, certains confrères ont des egos surdimensionnés. J’ai l’impression que William ne comprend pas trop les raisons d’une telle attitude, sauf à connaître lui-même un jour un succès foudroyant ! En attendant, réussir oui, mais pas à n’importe quel prix. Alors William trace sa route doucement mais sûrement. Jusqu’à présent, ça lui a plutôt bien réussi.

    C’est un métier où il faut être sûr de soi. William l’est. Il a quelquefois des avis sinon définitifs, tranchés, ce qui fait son charme (J’ai fait un bide avec mes truffes au caramel de chez Café Pouchkine. Devant mon enthousiasme, il s’est un peu ravisé par correction). En même temps, on sent qu’il écoute. J’ai aimé sa présentation de la carte de la maison pour laquelle il travaille. Certaines choses sont immuables. Les clients ne comprendraient pas. Alors il apporte sa touche personnelle en revisitant subtilement certains desserts, en innovant avec les desserts saisonniers et les suggestions du jour.

    A l’écouter, il a une démarche assez spontanée. Quand il a une idée, il l’exécute et n’a pas l’air de se prendre la tête. Mais en lisant sa recette de l’éclair, j’ai pu remarquer une démarche empreinte d’un certain sérieux. Il l’avait même accompagnée de quelques astuces pour mieux la réussir. D’ailleurs, la pâtisserie, c’est souvent au gramme près. Un travail d’orfèvre quoi !

    Il aimerait bien avoir sa propre affaire un jour. Province ? Paris ? Rien n’est encore écrit. J’ai aimé sa lucidité sur le pouvoir d’achat des gens en province ou encore le lancement plus aisé de la haute pâtisserie à Paris.

    Enfin, je peux dire que William est généreux. Ben oui, je vous rappelle qu’il m’a invitée… alors que je ne suis pas critique professionnelle…

    Remerciements donc à William Lamagnère.

     

    C’était une belle opportunité pour faire une première interview de pâtissier…

     

    La Closerie des Lilas,

    171 Boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
    01 40 51 34 50